1Cet ouvrage est la publication de la thĂšse de doctorat de Nathalie Verpeaux soutenue sous la direction de Michel Parisse. Il en livre la totalitĂ© des rĂ©sultats, ce qui est rare et ce dont on doit se rĂ©jouir, eu Ă©gard Ă la richesse de ceux-ci. On en jugera par lâĂ©paisseur du vol. 1 de texte, 706 p., quâaccompagne un vol. 2, intitulĂ© MatĂ©riaux prosopographiques Ă consulter en ligne, avec un accĂšs rĂ©servĂ© aux personnes ayant acquis le premier volume. Le travail a portĂ© sur deux abbayes fĂ©minines dâAutun, Saint-Andoche et Saint-Jean-le-Grand, qui ont existĂ© entre le haut Moyen Ăge et 1792, et dont les fonds ont Ă©tĂ© totalement dĂ©pouillĂ©s par lâa., ce qui reprĂ©sente 1 300 documents pour la premiĂšre institution, 1 400 pour la seconde. Chronologiquement, ces fonds renvoient surtout au xiiie et au xive s., plus encore au xve s. puisque les deux tiers de la documentation datent de cette pĂ©riode. Un chapitre prĂ©liminaire fait la synthĂšse des connaissances sur lâhistoire des abbayes avant le xiiie s. mais le gros du travail porte essentiellement sur les trois derniers siĂšcles du Moyen Ăge. Ce sont deux monographies entrecroisĂ©es qui viennent complĂ©ter heureusement les lacunes dâune historiographie encore pauvre sur le monde monastique fĂ©minin, aprĂšs plusieurs jalons importants que lâa. rappelle en introduction. Cela fait Ă©cho Ă la situation mĂȘme des maisons de moniales au Moyen Ăge, totalement dĂ©pendantes des maisons dâhommes, mĂȘme dans les gestes religieux, qui ont eu un faible rayonnement, peu de possessions et qui ont laissĂ© peu de sources. Les exceptions Ă cet Ă©gard constituĂ©es par Saint-Andoche et Saint-Jean-le-Grand mĂ©ritaient dâĂȘtre mises Ă profit et leur position de jumelles, Ă quelques encablures, au sein de la mĂȘme citĂ©, permettait en plus une Ă©tude comparĂ©e qui valorise les connaissances acquises sur lâune et lâautre. Le questionnement posĂ© Ă la documentation qui constitue lâentrĂ©e principale dans le sujet est pertinent quant Ă la pĂ©riodisation Ă©voquĂ©e plus haut dans quelle mesure ces religieuses bĂ©nĂ©dictines ont-elles eu un mode de vie monastique ; ne sâapparentĂšrent-elles pas plutĂŽt Ă des chanoinesses sĂ©culiĂšres, telles que les connaissaient les terres du Saint Empire romain germanique ? 2Le plan du livre est fidĂšle au sous-titre de lâouvrage. Le premier chapitre se consacre aux religieuses Ă©duennes en les suivant de leurs familles dâorigine Ă leur entrĂ©e dans la communautĂ©, pour donner une synthĂšse de la composition des deux communautĂ©s en se focalisant sur les abbesses, ce qui est comprĂ©hensible, mais en nâoubliant pas de sâĂ©largir Ă lâentourage ou familia des abbayes. La seconde partie examine dans le dĂ©tail ce qui leur attache les pieds sur terre les possessions et la domination seigneuriale quâelles induisent en distinguant les modalitĂ©s de leur prĂ©sence temporelle Ă Autun mais aussi dans lâarriĂšre-pays et en les replaçant dans la hiĂ©rarchie des autres dĂ©tenteurs du pouvoir de ban. Le dernier chapitre complĂšte lâĂ©tude par les Ă©lĂ©ments qui Ă©lĂšvent leurs tĂȘtes vers le ciel, avec des pages essentielles sur leur vie quotidienne dans le respect des vĆux prononcĂ©s, pour conclure sur le rĂŽle spirituel exercĂ© par les deux maisons dans la sociĂ©tĂ© locale, notamment sur les Ă©glises paroissiales qui les entourent dans le domaine non attendu de la cura animarum et dans la prise en charge de la mĂ©moire funĂ©raire. Ce plan thĂ©matique est justifiĂ© et tout Ă fait clair, nĂ©anmoins il conduit souvent lâa. Ă ne pas assez distinguer les Ă©volutions du xiiie s. au seuil du xvie s., donnant le sentiment que le monde des moniales dâAutun est immuable. Cependant, quelques exemples prĂ©cisĂ©ment datĂ©s, notamment sur les familles qui entourent les abbayes ou sur quelques abbesses du xve s., viennent corriger avec profit cette impression. Le dĂ©veloppement est rĂ©guliĂšrement illustrĂ© par de trĂšs nombreuses cartes, des plans, des croquis, des schĂ©mas qui synthĂ©tisent le propos et que lâon retrouve aussi dans les planches en fin de vol. 1. Deux indices permettent une entrĂ©e dans la foison des informations, par les noms de personnes et les noms de lieux, ce qui valorise encore lâensemble. 3Saint-Andoche et Saint-Jean-le-Grand apparaissent au terme de lâĂ©tude comme des institutions solides, qui nâont pas pĂ©riclitĂ© avec la fin du Moyen Ăge et qui nâont pas Ă©tĂ© absorbĂ©es par dâautres abbayes ou par des maisons masculines, comme câest alors souvent le cas. Et cela alors mĂȘme que la ville dâAutun perd de son rayonnement Ă la mĂȘme Ă©poque. Elles affirment lâune et lâautre une revendication forte dâindĂ©pendance, notamment face aux Ă©vĂȘques du lieu, de maniĂšre victorieuse Ă lâĂ©poque mĂ©diĂ©vale. Cela participe trĂšs probablement Ă leur renommĂ©e et concourt Ă les faire rechercher pour leur fille par les familles des Ă©lites. MalgrĂ© le sentiment dâuniformitĂ© que peut donner le monde religieux fĂ©minin qui se rĂ©sume souvent Ă lâapplication dâune rĂšgle proche de la rĂšgle de BenoĂźt, mĂȘme chez les mendiantes ou les chartreuses, il est sĂ»r que cette Ă©tude montre que lâon ne peut parler dâatonie dâun monastĂšre Ă lâautre. Chacun a sa vraie spĂ©cificitĂ© le souci plus grand de la mĂ©moire des morts Ă Saint-Andoche ce qui se traduit par la production de quatre obituaires, Ă©ditĂ©s ailleurs par lâa., une gestion temporelle plus rigoureuse Ă Saint-Jean ce qui se manifeste peut-ĂȘtre par la conservation de comptes de la fin du xive s.. Les religieuses dâAutun in fine ne sont pas des chanoinesses sĂ©culiĂšres, mĂȘme si la gestion de leur mense par prĂ©bendes fait Ă©videmment penser au monde canonial. Elles conservent des biens personnels, elles amĂ©nagent leurs conditions de vie parfois par la qualitĂ© de la nourriture, par le confort de leurs intĂ©rieurs mais, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, elles respectent lâengagement quâelles ont fait par les vĆux. Le degrĂ© dâimplication personnelle dans la vie religieuse est Ă©videmment diffĂ©rent dâune personne Ă lâautre, difficile Ă mesurer dans les sources comme souvent. Sans surprise, les filles issues de la noblesse obtiennent les charges dâabbesse et de prieure. Et lâon a grĂące Ă ce livre la confirmation, sâil en Ă©tait besoin, que les femmes entrĂ©es au monastĂšre ne disparaissent pas pour autant de leur famille. On ne sâen dĂ©barrasse pas ainsi mĂȘme si toutes nâont pas choisi cette voie et les relations quâelles conservent avec leur famille biologique restent intenses. Lâun des apports principaux de lâensemble du travail repose sur ce travail de fourmi qui permet une connaissance intime du monde Ă©duen pour la fin du Moyen Ăge et qui prĂ©sente en dĂ©finitive une trĂšs belle Ă©tude dâhistoire sociale. Le matĂ©riau est prĂ©sentĂ© dans la base de donnĂ©es consultable en ligne qui contient pas moins de 35 gĂ©nĂ©alogies et un millier de fiches prosopographiques. Celles-lĂ ne concernent pas que les religieuses des deux Ă©tablissements, mais toutes les personnes rencontrĂ©es au cours du dĂ©pouillement des sources et notamment tous les officiers employĂ©s par les moniales pour gĂ©rer leurs ressources, avec les familles desquels elles ont dĂ©veloppĂ© des liens serrĂ©s qui ont permis de diversifier les milieux de leur recrutement, pour les ouvrir Ă bien dâautres familles que la noblesse.
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